Extrait du discours de Madame Jacqueline Bizet, présidente de l’association « Mémoire de Lozère » pour la pose de la plaque:
(…) Les racines méditerranéennes d’Audiberti étaient pour lui essentielles, comme le montre bien sa fille cadette Madame Marie-Louise Audiberti dans « Sur les pas de mon père », le bel ouvrage qu’elle lui a consacré en 2014, et dont elle viendra nous parler vendredi prochain à quelques pas d’ici, dans cette même Maison de quartier.
Dans ce témoignage sensible et très personnel, elle s’attache à évoquer la figure de Jacques Audiberti à travers tous les lieux qu’il a successivement connus et fréquentés, et nous donne à voir un être tourmenté, en perpétuelle errance, et qui, malgré sa forte corpulence et sa truculence méditerranéenne, était traversé de fêlures intimes.
Lorsqu’à la recherche d’un port d’attache pour sa famille, il achète ce pavillon en 1951, cet auteur prolifique a déjà écrit l’essentiel de son œuvre poétique, et une quinzaine de romans. Dès ses débuts au théâtre, en 1946, il a connu un succès immédiat avec « Quoat-Quoat », et sa première véritable pièce, « Le mal court », créée en 1947 au théâtre La Bruyère, avec notamment une jeune actrice débutante nommée… Suzanne Flon, a reçu elle aussi un excellent accueil de la critique.
Au cours des quelque quinze années qu’il habitera de façon discontinue dans cette maison, ce grand marcheur aura l’occasion d’apprécier de longues promenades le long de l’Yvette ou sur le plateau de Palaiseau, même si, avec l’extension de l’aéroport d’Orly au début des années soixante, lui qui avait horreur du bruit souffrira particulièrement de la ronde incessante des « bouings », comme il disait.
C’est ici que viendront régulièrement lui rendre visite son voisin l’auteur dramatique Roger Ferdinand, qui habitait un peu plus haut la « Maison des pins » de Charles Péguy, et son grand ami Claude Nougaro, qui, au fil des ans, devint pour lui un véritable fils spirituel, et eut lui-même des attaches avec Lozère, puisque sa première femme, Sylvie, comme sa fille – la célèbre Cécile de la chanson – vécurent toutes les deux tout près d’ici dans notre quartier.
C’est dans son dernier livre, « Dimanche m’attend », qui sera publié à l’automne 1965 quelques semaines seulement après sa mort, que votre père, Madame, parlera de notre Lozère, rebaptisé « Coresse » pour l’occasion, dans un jeu de mots à ricochets dont il avait le secret, par assonance avec la région de « Corrèze ».
Quand, sur la suggestion de son ami le cinéaste Jacques Baratier, il entreprend à partir de l’hiver 1963 la rédaction de son journal, il est déjà malade, et, peu de temps après, il sait qu’il est condamné par son cancer, et qu’il ne lui reste plus que quelques mois à vivre.
Cela donne à ce livre singulier quelque peu rétrospectif un éclairage crépusculaire et un caractère particulièrement émouvant, notamment dans les toutes dernières lignes de l’ouvrage, intitulé « roman » par Audiberti lui-même.
Lorsqu’aux dernières heures de sa vie, après avoir subi sans succès plusieurs opérations éprouvantes, il apprend que la municipalité d’Antibes vient de donner son nom à une place de sa ville natale, il ne peut s’empêcher de s’interroger devant ses proches dans sa chambre d’hôpital :
« Finalement, je suis mort ou je suis vivant ? »
Non, Jacques Audiberti, vous n’êtes pas mort, car un poète ne meurt jamais!
Non, vous n’êtes pas mort, car vous vivez, et vivrez dans nos esprits et dans nos cœurs!
Cinquante ans après, nous sommes venus ici vous le dire.