Discours de Bernard Fournier, Président de l’AAJA le 5 mai 2017
Dans le cadre des célébrations du cinquantenaire de la mort d’Audiberti, en plus du très beau Cahier que l’Association fait paraître, élaboré principalement par Géraldine et Marie-Louise Audiberti et Nelly Labere, La Nouvelle Revue française va publier ce mois-ci quelques extraits de lettres d’Audiberti à Emile Condroyer, son condisciple au collège d’Antibes ;
où l’on voit Jacques Audiberti en lycéen fou d’écriture et conscient de son style fou, écrire à son ami de très longues phrases enchevêtrées dans des parenthèses très longues.
Dans ces lettres, on peut connaître un peu plus l’écrivain qu’il deviendra quand il nous fait la confidence de ses lectures au sommet desquelles trône Pierre Loti mais aussi Auguste Villeroy. Pourrons-nous, à partir de là, éclairer quelques analyses des romans d’Audiberti ?
Mais, à côté de cet écrivain-né qui perce sous le lycéen, nous faisons connaissance avec un autre Jacques Audiberti impliqué dans le monde autour de lui.
Ce qui m’a le plus frappé dans cette époque et qui demeure en quelque sorte une énigme, c’est l’appartenance du jeune Jacques aux Boy-scouts.
Arrêtons-nous un instant sur cette image : Jacques Audiberti en uniforme, menant sa petite troupe à la baguette pour lui enseigner les rudiments de la morale…
Bien sûr, on peut rapprocher cette image de celle du jeune correspondant du Réveil d’Antibes et de ses vers bellicistes. Et nous aurions alors un portrait du jeune homme d’Antibes assez différent de celui que l’écrivain nous laisse parfois lire dans les quelques fragments autobiographiques qu’il nous donne.
Replaçons le portrait de cet Eclaireur de France dans son univers, à savoir le bureau dont le lycéen fait une description assez précise à son ami Emile. Des livres, bien sûr, beaucoup de livres; mais aussi un tableau noir et un crucifix.
On apprend alors que notre adolescent pratique le piano, la pêche, la bicyclette et se prépare à faire des expériences de chimie.
A priori, il n’a pas fait exploser la maison.
Quoique.
Souvent, en effet, chez l’auteur, nous assistons, à des transformations de l’humain en un de ses avatars : dans Carnage, dans La Poupée, dans Monorail; ou bien encore on prend un personnage pour un autre : L’Ampélour, Le Mal court, Sa Peau, etc.
Mais alors, la déflagration d’un de ses tubes à essai n’a-t-elle pas aussi métamorphosé le boy-scout en poète ?