Audiberti par Thérèse de Saint-Phalle
“ Dans Les tombeaux ferment mal, j’ai voulu pour la première fois raconter une histoire ”
Pourquoi Audiberti, qui a écrit une quinzaine de romans, sans parler de ses recueils de poèmes, est-il connu avant tout comme un dramaturge ? Le succès qu’il a obtenu sur les planches avec “ le Mal court ” (1947), ou » l’Effet Glapion » (1959), et qui a lance son nom dans le grand public, n’a pas découragé le romancier. Les cinq volumes de son théâtre ont à peine fini d’être publiés chez Gallimard qu’Audiberti revient au roman – le dernier, » Infanticide préconisé « , date de 1958 – et nous donne aujourd’hui “ Les tombeaux ferment mal ” (1). Dans cette version inversée du mythe d’Orphée, une femme arrive, par l’intermédiaire du souvenir, à ramener près d’elle son mari disparu en mer. Est-ce phantasme, est-ce résurrection réelle ? Audiberti, dans ce curieux roman, laisse libre l’interprétation du lecteur.
» C’est la première fois que j’ai voulu écrire un vrai roman, nous dit-il. A deux ou trois exceptions près, les autres étaient des poèmes, des textes à la fois surgis et travaillés selon le mécanisme poétique. Dans Les tombeaux ferment mal, j’ai voulu raconter une histoire – et cela m’a pris plus de deux ans, – une histoire qui ne soit pas concurrencée par des échappées poétiques, un récit dont l’action intéresse.
– Difficile à croire, tout de même, cette résurrection quasi magique d’un naufragé. «
Bien calé dans son fauteuil, massif et débonnaire, Audiberti m’observe, les yeux mi-clos. Il hausse les épaules :
» Au fond, qu’est-ce qui prouve que les gens meurent ? La mort n’est pas une certitude absolue. A mon avis, elle est même sujette à caution. Pour les êtres fauchés en pleine vie il n’y a pas de séparation tranchée. Au nom de quoi déciderait-on qu’il y a une frontière entre la vie et la mort ? Il fut un temps où le bon sens s’insurgeait contre l’inattendu. Aujourd’hui tout est possible.
» Drieu La Rochelle par exemple, ne m’a jamais donné l’impression d’être absent. Il y a des gens qui se tuent pour ne pas mourir. Rien ne nous dit que les disparus (je ne parle par des vieillards déjà infidèles à eux-mêmes) n’ont pas glissé dans un autre univers, un univers parallèle au nôtre, où ils poursuivraient leur course.
– Cette idée d’une survie est-elle fondée chez vous sur une foi religieuse ?
– Il n’y a jamais eu de rupture entre Dieu et moi. Je suis catholique. Ma mère était une femme bonne et tendre, profondément chrétienne. Elle m’a façonné pour ce destin-là, dans la mesure où une femme peut façonner son enfant. Elle souhaitait que je devienne poète, écrivain, et que je vive dans la lumière. «
Il s’élève du roman d’Audiberti un chant d’amour pour Antipolis, l’antique nom d’Antibes, sa ville natale, sept siècles de présence romaine greffée sur la civilisation hellénistique.