THÉÂTRE
Grand ou petit, le théâtre, pour être au point ? De texte ou de geste ? Et son avenir, comment l'envisager, comment le souhaiter ? A vrai dire, la théorie n'est pas mon affaire. […] Je veux retenir que le théâtre est humain, et que, vrai ou faux miroir, il signifie non seulement le goût du travesti mais l'appel du changement. Plus loin que son but amuseur, il lui revient d'établir et d'historier cet appel dans sa tonalité principale, à savoir notre nostalgie d'une race humaine ou post-humaine dont les caractères physiques et psychiques seraient modifiés dans le sens d'une moindre aptitude à la souffrance et à la cruauté.
Revue théâtrale n°7, 1948
Si j'avais à définir d'un mot le théâtre d'Audiberti, je dirais que je le vois comme un immense opéra-bouffe, où la parole tient à la fois son rôle propre et celui de la musique. Opéra : c'est la réalité investie de toutes parts par le merveilleux sous ses formes incroyablement diverses, de la fantaisie cocasse au fantastique débridé, du mystère le plus délicat à la charge la plus grossissante. Mais opéra-bouffe, parce que le poète élude toujours la tragédie, fût-il triste à pleurer, et qu'il excelle - par système - à ménager les ruptures de ton, chaque fois que le combat risque de devenir sanglant : c'est alors une pirouette brusque ou une bifurcation subtile, qui atténue l'écho de la terreur éprouvée et dissout légèrement l'amertume du cri.
Robert Abirached, Hommage à Jacques Audiberti, La Nouvelle Revue Française, page 1116, 1965