Allocution de Notre Président, Bernard Fournier:
Avec Cocteau, Fargue, Paul Fort, Saint-Pol-Roux, [Valéry] fut de ceux qui m’accueillirent, copain compagnon, dans je ne sais plus quel endroit de nappes et d’assiettes, vers la fin de l’année [sic] trente-huit quand j’avais des bosses aux genoux de mes pantalons, afin de me décerner un certain prix, le prix Mallarmé. Le montant du prix consistait, surtout, dans cet inestimable rendez-vous avec la poésie française en chair et en os. Ils m’accueillirent par un tutoiement immédiat. Il y avait Gérard d’Houville, messagère filiale et nuptiale d’Henri de Régnier et de José Maria de Heredia qui me sourit. Il y avait encore André Fontainas et Ferdinand Hérold, bons lansquenets du symbolisme qui me traitèrent avec politesse, et Charles Vildrac. Il y avait Édouard Dujardin, solide malgré l’asthme et l’octogénariat, rasé au Gillette, venu au monde en même temps que Mallarmé, qu’il avait fréquenté alors qu’il portait, lui, Dujardin, une noire barbe carrée et, à ses doigts, des émeraudes hérodiennes. Féru du sociologue Durkheim et, chez nous, l’un des premiers en date zélateurs d’un musicien étranger nommé Richard Wagner, Édouard Dujardin venait de fonder l’Académie Mallarmé, qui m’accueillait. Saint-Pol-Roux m’écrasait contre sa barbe : ‘Tu es content, mon fils ?’
C’est ainsi qu’Audiberti, jeune poète inconnu, fut reçu par l’Académie Mallarmé le 29 juillet 1938 chez Drouant.
Jean Paulhan répond à Audiberti pour calmer ses peurs. « Dites-vous bien que c’est vous qui avez distingué l’Académie Mallarmé et non pas elle vous. Enfin, ne vous séparez pas de l’un de l’autre et soyez sûr que je prends, en tout cas votre parti au moins autant que vous-même. »
Ne peut-on pas effectivement penser, et la réception par le Maire d’Antibes en est le signe, que le Prix Jeune Audiberti vient rehausser le prestige du Prix Audiberti de la ville d’Antibes par le même coup qu’il honore son lauréat.
Certes, l’Association des Amis de Jacques Audiberti n’est pas le fantôme du mouvement symboliste, pas plus qu’elle n’est une Académie vouée au culte de Mallarmé ; certes le Prix Jeune Audiberti n’a pas eu cette importance que donnera la presse à l’Académie Mallarmé ; certes le jury de ce Prix n’est pas composé que de poètes. Mais on ne peut s’empêcher de faire un parallèle entre ces deux premiers Prix. Et d’espérer que ce premier Prix Jeune Audiberti offre à son lauréat les mêmes ouvertures que donna à Audiberti le premier Prix Mallarmé. Et qu’il ouvre au jeune écrivain une aventure littéraire semblable.
Le lauréat s’appelle Théo Griffiths ; il est mi anglais, mi français ; mi gardois, mi parisien ; mi littéraire, mi philosophe. Et cette triple ambivalence est déjà révélatrice d’un éclectisme qui aurait plu à Audiberti.
Notre lauréat, malgré son jeune âge, a déjà une culture impressionnante qui a charmé son auditoire, et notamment le lauréat du Grand Prix Audiberti, Frédéric Vitoux, lors de sa venue à Antibes le jeudi 16 octobre 2020.
Le Mal court, Audiberti avait raison. Même s’il ne pensait pas à cette pandémie, on croit à sa préscience.
Mais réjouissons-nous tout de même des merveilles qu’offre l’internet qui nous permet ces visio-conférences auxquelles nous commençons à nous habituer.
Et en tous cas, portez-vous bien et protégez-vous.
Je vous remercie.